Analyses diachroniques - Juliette Carré

 

L'interprétation comparée des photographies à différentes dates permet d'extraire les principales phases d'évolution des paysages du Haut-Vicdessos. En voici quelques exemples analysés et commentés par Juliette Carré (Docteur en Géographie, chargée de mission auprès du Parc National des Pyrénées): sur la soulane de l'Artigue, sur Bassiès, sur Auzat, sur Siguer, sur Suc-et-Sentenac.

La soulane de l'Artigue : d'un paysage agro-pastoral à un paysage en voie d'enforestation
Fin XIXe début XXe siècle, les paysages de cette montagne intermédiaire présentent un territoire encore très exploité, cultivé et fauché jusque haut en altitude. Cet espace est parsemé de hameaux de granges autour desquels s'organisent les surfaces exploitées. Dans la haute vallée de l'Artigue, ces hameaux sont présents jusqu'à 1400m.
 
1904 - RTM
1983 - J.P. Métailié
2006 - J.P. Métailié

1904-1952 : des paysages sous pression

Au début du siècle, plusieurs caractères marquent fortement ces paysages :

- il s'agit tout d'abord du caractère cultivé de cette montagne intermédiaire : en effet, le terroir cultivé ne se cantonne pas à l'espace des villages, mais concerne une grande partie de l'espace intermédiaire, c'est-à-dire toute la zone des granges. Les granges de Peyre, enchâssées dans la pente, sont surmontées d'une bande de parcelles cultivées ; cultures que l'on retrouve également autour du hameau de Pebre. Ces cultures, pommes de terre, seigle, sarrasin, s'étagent parfois en terrasses. Tous les espaces disponibles sont mis en valeur, même s'ils se trouvent menacés et pris en étau entre deux ravins actifs...

Ce territoire est donc voué à une utilisation agro-pastorale. La vocation pastorale est réelle quoique secondaire autour des granges. Les activités agricoles, moyen premier de subsistance, sont prédominantes. L'activité pastorale, plus spéculative, semble à l'époque secondaire. En cela, l'occupation du sol entre 1834, date du cadastre napoléonien, et le tout début du XX e siècle a peu évolué : une grande partie de ce terroir est vouée aux cultures.

- un autre caractère remarquable de cette montagne intermédiaire est son aspect déboisé. Hormis une parcelle présentant un boisement clair au dessus des granges de Peyre, peu de végétation ligneuse se développe à proximité des granges. Bien que la décroissance de la population et l'exode vers les plaines soient un fait marquant à l'échelle du canton, il semble que les répercussions ne soient pas immédiatement visibles sur l'espace intermédiaire qui paraît toujours autant soumis aux pressions. Les minces zones boisées qui ponctuent ces espaces n'évoluent guère et le paysage reste dénudé en ce début de XX e siècle.

Les paysages ne sont alors ponctués que de quelques bois clairsemés et quelques taillis qui subsistent en dehors des forêts de protection des villages ou de la forêt de sapins de Sem, liés à l'exploitation de la mine.

- enfin, cet espace intermédiaire, fortement déboisé et intensément cultivé connaît des processus érosifs de grande ampleur. La dénudation des versants abrupts de cette montagne intermédiaire accentue les phénomènes naturels d'érosions : les paysages sont fortement marqués par des ravins, des couloirs d'avalanche, des éboulements... Deux ravins sont particulièrement actifs dans la vallée de l'Artigue, les ravins de Gravet et de Moulinas.Ce secteur comme le reste de la vallée est régulièrement frappé de catastrophes : coulée de boues, glissement de terrains, avalanches. (DUPUIS, 1991)

C'est donc dans ces espaces intermédiaires que va se développer le premier grand mouvement contemporain de transformation des paysages. Dès les années 1860, les services de Restauration des Terrains de Montagne s'engagent dans des opérations dans le canton : les ravins de Gravet et Moulinas sont rectifiés, des barrages et des gabions sont édifiés pour atténuer les risques érosifs. En parallèle, des plantations de jeunes conifères sont effectuées sur les versants (DAVASSE, galop 1991, davasse, 2000, bonnet, 1986). La plantation du bois de la Page sur la soulane de l'Artigue au-dessus des hameaux de granges est particulièrement visible dès 1904.

1952-1989 : déprise

Les années 1950 marquent un seuil décisif dans l'histoire de la vallée et la montagne intermédiaire va directement en afficher les conséquences.

Dès le début des années 1950, les paysages montrent la fin de l'agriculture. Les marges du terroir villageois, on l'a vu précédemment, et surtout la vaste zone intermédiaire des granges, sont les premières abandonnées. Les parcelles labourées laissent place aux prairies, aux pâtures, ou directement à la friche. Les hameaux de granges perdent soudainement leur vocation agricole et progressivement leur vocation pastorale par simplification des cycles pastoraux. Les terrasses, les zones les plus éloignées, trop pentues pour être mécanisables sont laissées à la friche. Ce phénomène de déprise agricole est particulièrement visible dans la vallée de l'Artigue : la soulane est laissée à un pacage extensif, les granges ne sont plus utilisées et tombent progressivement en ruine ; les hameaux de Peyre, Pebre, Moulinas sont ainsi abandonnés. En plus de cet enfrichement des versants par les espèces colonisatrices, les arbres issus des reboisements par les services RTM arrivent à maturité et deviennent autant de porte-graines. Les lisières des forêts artificielles prennent de l'épaisseur et se propagent tant sur les limites hautes que basses, gagnant sur les pâturages intermédiaires et sur les estives. Ce phénomène est visible dès 1950 au lieu dit Bersil, où les jeunes conifères des plantations RTM colonisent de haut en bas tout le versant.

Sur les clichés des années 1980, cette végétalisation artificielle est dès lors relativement discernable dans le paysage : limites nettes des périmètres, formes strictes, boisement par zones... Elle se distingue aussi par les espèces utilisées, étrangères à la chaîne pyrénéenne, tels que les mélèzes, les épicéas...

1989-2008 : accentuation de la déprise

Cette déprise et son corollaire l'enfrichement vont se poursuivre tout au long du siècle et s'accélérer à partir des années 1970. La déprise agricole est maintenant bien visible dans les paysages : les terrasses sont recouvertes de fougères, noisetiers, bouleaux ; même les granges qui ont été exploitées tardivement (années 1960-1970) comme celles de Moulinas finissent par s'effondrer. Seule une grange de ce hameau est encore en sursis. Les anciens arbres émondés à proximité des hameaux de granges, implantés en limites parcellaires reprennent leurs formes libres et créent de véritables écrans végétaux.

La friche et la forêt s'étendent quasiment des portes des villages jusqu'aux estives : le Vicdessos a connu en un peu plus d'un siècle un renversement complet de sa situation paysagère pour toute la frange intermédiaire de la montagne : aux paysages dépouillés ont succédé des paysages forestiers.

 
Bassiès : d'un paysage d'estive pacagée à des dynamiques végétales puissantes

Le cas de Bassiès est intéressant : ce sont de basses estives, étagées entre 1600 et 2000m, relativement amples et accessibles, constellées de plusieurs étangs.

 

1903-1985 : aménagement de la montagne pour l'industrie

Dans la première moitié de siècle, ce territoire a été lui aussi marqué par l'industrialisation. La retenue de Bassiès achevée en 1911 pour alimenter la centrale d'Auzat barre le grand étang de Bassiès et s'ancre dans un paysage dénudé. Ces travaux sont les prémices des importants aménagements de la haute montagne qui ont été entrepris pendant plusieurs décennies dans toute la vallée pour alimenter l'usine d'Auzat.

1985 : modernisation des dispositifs

La modeste retenue de Bassiès a été transformée et exhaussée. Ailleurs dans la vallée, d'autres barrages, plus conséquents ont été construits, tels Izourt (1940), Gnioure(1950), Soulcem (1984) ; ces barrages ont noyé de vastes zones d'estives et ont véritablement changé l'aspect de ces hautes vallées englouties par ces étendues d'eau. Le dernier construit, Soulcem, atteint des proportions et un impact paysager encore plus conséquents. Si les premières retenues consistaient à accroître les petits étangs existants, le dispositif complet des barrages du Vicdessos a considérablement changé l'aspect de la haute montagne, barrant les vallées, noyant des estives, bouleversant les cours d'eaux... Quelques pins à crochets sont apparus dans cet intervalle, symbole d'une pression pastorale moins importante. Ils sont accompagnés d'une transformation du tapis herbeux : les pelouses semblent se transformer en landes et laissent plus de place à la végétation buissonnante, qui se développe tant aux alentours des lacs que sur les versants d'éboulis.

1985-2007 : accélération des dynamiques végétales

Comme les autres étages de la vallée, ce secteur a été soumis à la déprise et au bouleversement du cycle pastoral. Les pins à crochets se sont multipliés et ont grandi. Les pelouses d'estives paraissent sous-pâturées, et la nature des pelouses est en train de changer : beaucoup de secteurs sont gagnés par la lande à callunes, genêts, myrtilliers... Ces estives les plus basses en altitude ont vu lors de ces 20 dernières années des dynamiques que l'on peut juger conséquentes : des petits pins à crochet se sont développés, d'abord de façon ponctuelle, mais colonisent aujourd'hui des pans entiers de territoire : abords des étangs, pans rocheux, pelouses.... Cette dynamique de colonisation et de fermeture des estives est d'autant plus probable que le réchauffement climatique envisagé contribuera à la propagation de cette espèce.

Comme dans la montagne intermédiaire, le cycle pastoral s'est maintenu jusqu'au milieu des années 1950. Ce cycle reposait sur une importante et précoce transhumance haute. Bien que domaniales, les terres d'estives étaient octroyées par « quartier » à chaque famille usagère qui y possédait un orri. Chaque orri se transmettait de père en fils et il était durant l'estivage le cœur de l'exploitation pastorale. Les familles s'y installaient pour l'été (BESSET, 1991). L'exploitation de l'orri a cessé depuis le milieu des années 1950, et l'estivage est de plus en plus extensif (TAILLEFER, 1940).

 

Vers 1903 - Labouche
1985 - J.P. Métailié
2007 - J. Carré

 

Enfin, cet espace est devenu depuis les années 80, le lieu d'une pratique touristique de randonnée, favorisée par la création du GR10 qui traverse cette estive et par l'aménagement d'un refuge (1991).
 
 
Auzat et le versant d'Olbier

Dès le début du XX e siècle, un double phénomène qui a eu des répercussions très fortes sur les paysages se manifeste dans le bassin d'Auzat-Vicdessos : il s'agit conjointement d'un mouvement de recul des activités agro-pastorales et d'un mouvement en faveur de l'industrialisation. Ces événements s'organisent en différentes périodes.

1907-1950 : mutation du système agro-pastoral et industrialisation moderne

La première moitié du siècle correspond à l'implantation de l'usine de la « Société des Produits Electro-Chimiques et Métallurgiques des Pyrénées » et aux diverses transformations physiques de l'espace qui lui est directement lié. Le fond de vallée et principalement le bassin d'Auzat va connaître les plus fortes transformations, puis tout le reste du territoire va en éprouver les conséquences directes ou indirectes.

C'est entre 1907 et 1908 qu'ont lieu les travaux de construction de l'usine d'Auzat. Elle est bâtie dans une zone plate du fond de vallée, au pied du versant d'Olbier, à l'embouchure de la vallée principale du Vicdessos. Cette usine profite de la force des eaux en provenance de la retenue de Bassiès. Elle est constituée de deux bâtiments principaux : l'un regroupant la salle des machines, les chlorates, les aluminiums, l'autre consacré aux électrodes. Vestiaires, ateliers, bureaux s'organisent à proximité. Cette usine prend place dans le bassin agricole, à proximité du village d'Auzat. Toutes les parcelles sont labourées et cultivées, hormis quelques lanières qui longent les rivières, vouées aux pâtures et aux prés de fauche. Les versants du bassin sont également cultivés. Celui d'Olbier qui retient ici notre attention, est particulièrement exploité. Malgré la pente forte et l'exposition peu favorable nord-ouest, la majorité des parcelles, soutenues par des terrasses sont des terres labourées et des cultures. Le replat en amont du village paraît totalement cultivé. En bas de pente, en bordure de la rivière longée d'arbres émondés, s'étendent des prairies. Quelques parcelles, dans le talweg central sont aussi des prés.

 
Vers 1950 - Labouche
1996 - J.P. Métailié
2008 - J. Carré

 

Cette configuration et cette répartition des cultures et des prairies est très proche de celle révélée par le cadastre napoléonien de 1834 : il apparaît qu'entre le milieu du XIX e siècle et le début du XX e siècle, peu de changements affectent l'occupation agro-pastorale des sols. L'arbre est relativement absent de ce paysage du début du siècle : il est juste présent en alignement le long du cours d'eau ou encore émondé en bordure des prés ; très rarement à proximité de terres labourées. Vers 1950, deux transformations principales sont visibles :

- tout d'abord, directement lié aux activités de l'usine, le bourg d'Auzat va s'étendre et voir la construction de nouveaux quartiers qui s'établissent à distance de l'usine, en ordre lâche, occupant à la fois le fond du bassin et les premières pentes de la soulane. Il s'agit de logements destinés aux ouvriers et aux ingénieurs venus travailler à l'usine. A côté de l'ancien village agro-pastoral resserré autour de la rivière, s'étalent de nouveaux quartiers à l'architecture hétérogène qui se répandent sur les terres agricoles en de petites cellules urbaines disparates, suivant le nouveau réseau viaire. C'est de véritable urbanisation dont il faut parler dans cette première moitié de siècle à Auzat : un bourg nouveau se construit de toutes pièces à côté du village existant. En même temps que les agrandissements successifs de l'usine, des travaux sur les voies de communication sont réalisés : un chemin de fer verra même le jour. Le bassin d'Auzat-Vicdessos pendant cette première moitié de siècle est marqué par de profonds changements : industrialisation, urbanisation aux détriments des terres agricoles, électrification, modernisation des réseaux de communications..,

- ensuite, même si les dynamiques de déprise sont encore ténues, les premiers signes sont néanmoins perceptibles dans le bassin et sur le versant dès cette époque. Ces dynamiques laissent présager du glissement d'une économie agro-pastorale à pastorale. D'abord, les zones vouées à la culture semblent moins nombreuses en 1950 qu'en 1907 : une partie des terres cultivées est convertie en prés ou en pâtures. Il semble que la place laissée à l'herbe et au troupeau soit plus importante. L'apparition d'une grange à mi-versant dans des prés arrosés par une rigole, et la place vouée aux arbres émondés, visibles tant sur les vues au sol qu'aériennes semblent confirmer cette évolution. Toutefois, en marge du terroir, en bordure de l'éperon rocheux s'étendent quelques zones de broussailles et les terrasses du flanc nord de l'éperon paraissent abandonnées. Une surface boisée de feuillus surmontée de conifères s'étend sur le versant en ombrée en amont du village d'Olbier. Cependant, notons que les grandes structures des paysages agro-pastoraux sont encore en place à cette époque.

Dans cette première partie du siècle, les paysages se transforment sous l'impulsion de l'exploitation de la ressource hydraulique à des fins industrielles. Ces transformations sont à la fois directes et indirectes. Transformations directes, telles que l'implantation de l'usine et des structures liées, l'implantation de nouveaux quartiers et la modernisation de la vallée. L'électrification de la vallée et l'amélioration du réseau de route sont précoces par rapport à d'autres secteurs de la chaîne pyrénéenne. Transformations indirectes sur le monde paysan, avec une mise en concurrence des activités traditionnelles et nouvelles, porteuses d'un gain plus facile et régulier qu'avec les travaux de la terre, bien que cette période coïncide avec un exode rural important et généralisé à l'échelle de la chaîne pyrénéenne.

1950-1996 : déprise agraire et enforestation

Cette période est caractérisée par l'intensité de la déprise agro-pastorale et l'importance de l'extension de la masse boisée sur le versant.

L'enfrichement gagne l'éperon rocheux et notamment son flanc nord, duquel les terrasses ont disparu sous la végétation. Sur le versant, les terrasses et les prés ont disparu et les arbres feuillus ont gagné les parcelles. Il semblerait que le boisement résulte de l'épaississement des haies et de la colonisation des végétaux des limites parcellaires vers le centre.

 

On peut noter dès cette période la disparition des pratiques d'émondage ; il en est sûrement de même des pratiques d'irrigation. La grange et les terrasses ne sont plus visibles, noyées sous le foisonnement végétal.

Cette végétation de déprise gagne même les parcelles proche du village, et Olbier semble cerné par les boisements. Toutefois, l'aspect de forêt dense et homogène perçu au sol est nuancé par la photo aérienne : l'auréole de parcelles autour du village, bien que ponctuée d'arbres et de végétation d'enfrichement présente encore des espaces ouverts.

Dans le bassin, malgré de bonnes terres, riches et faciles à exploiter, des terrains plats, la déprise agricole se manifeste, et les cultures sont abandonnées au profit de l'herbe. Autour du bourg de Vicdessos, les dynamiques sont semblables : le mélange des parcelles labourées et de prés en 1957 laisse place à une étendue uniforme de prairies en 1997.

La structure urbaine du bassin, mise en place dans les années 1950, se voit complétée : les constructions nouvelles viennent combler les encoches vides du maillage préexistant. Le tissu urbain se densifie avec quelques nouvelles opérations de lotissements ou de constructions plus éparses à proximité de l'usine. Le tissu urbain se régénère également : un des bâtiments de la coopérative est abattu et un lotissement est construit à cet emplacement par exemple.

Le dispositif industriel se modernise et l'on voit entre 1950 et 1996 un remaniement et un agrandissement significatif de l'usine : une partie a été déconstruite pour permettre l'agrandissement et la restructuration accompagnant la nécessaire modernisation. Dans le même temps, alors que le canton s'engage dans un mouvement généralisé de dépopulation, le pôle d'Auzat contribue à fixer, voire à attirer une population. Si autrefois, les villages de soulanes étaient attractifs pour l'établissement des populations, c'est le bassin d'Auzat qui devient digne d'intérêts, d'accès facile, proposant le confort moderne, pourvoyeur d'emplois pour les familles... C'est donc toute la géographie sociale de la vallée qui est bouleversée.

Si les activités agro-pastorales tombent en désuétude, le pied du versant connaît une nouvelle attractivité. Un centre de vacances, un camping et une plaine des sports prennent place en bordure du cours d'eau : ces aménagements, bien que ponctuels, témoignent d'une vocation nouvelle de la vallée qui s'investit dans la construction d'une image de vallée touristique.

1996-2008 : crise industrielle et reconversion

Durant cette période, les dynamiques engagées semblent seulement se poursuivre :

- la croissance urbaine du bourg est arrivée à son terme, hormis la construction de quelques bâtiments publics (un gymnase et une gendarmerie) et de quelques opérations de renouvellement urbain.

- Les dynamiques végétales du versant restent inchangées, mais un secteur a fait l'objet de déboisement ou de défrichement du sous-bois. Ce secteur au pied du versant a été éclairci depuis la fin des années 1990.

En parallèle, une transformation localisée mais profonde affecte le territoire. Il s'agit de la fermeture et du démantèlement de l'usine. Les différents bâtiments et dispositifs industriels de l'usine sont démontés et rasés. Seul, un bâtiment de l'usine a été conservé et il est en cours de reconversion en zone artisanale. Le reste de l'usine est totalement rasé ouvrant une large brèche de près de 7ha dans le tissu urbain du bourg.

Cette transformation brutale vient inscrire le bassin d'Auzat dans une période de transition.

 
La vallée de Siguer : d'un paysage agro-pastoral intensément exploité à principalement forestier
 

Siguer est un village situé dans le fond de vallée relativement plat de la vallée du même nom. Cette vallée orientée nord/sud est éloignée et isolée du bassin d'Auzat -Vicdessos. Elle s'ouvre sur la vallée principale du Vicdessos, bien en aval de ses bourgs principaux au niveau du hameau de Laramade.

1888-1950 : une importante déprise agricole

A l'aube du XX e siècle, le paysage des villages de Siguer, ainsi que de Gestiès et Lercoul sur les versants, est un espace agro-pastoral bien tenu et intensément exploité. Le village de Siguer, se regroupe autour de l'axe principal de communication, entre la rivière et le pied du versant ; l'église se tenant un peu à l'écart. Et en rive gauche s'est établi le hameau de Seuillac. Dans le fond de vallée, autour du village de Siguer et du hameau de Seuillac, s'étendent principalement des terres cultivées, mais aussi, quelques prairies. Les versants sont également intensément exploités et modelés par des terrasses jusque très haut sur les pentes. Le paysage est plutôt dénudé et porte peu de boisement, mis à part, un petit boisement en lanière sur un ressaut du relief surplombant le village. Quelques arbres bordent la rivière, longent les chemins ou accompagnent les limites parcellaires. Un verger se trouve à proximité de l'église. A cette époque le paysage traduit bien une occupation agro-pastorale du territoire et un usage intensif : une certaine pression sur le milieu est lisible : les terrasses qui montent très haut à l'assaut du versant pour employer tout l'espace possible, les arbres que l'on émonde en complément de fourrage... A partir des années 1940-1950, cette pression sur le milieu et ses ressources semble s'atténuer. Cela se manifeste par un relâchement des activités agricoles. Activités agricoles et pastorales cohabitent toujours mais il s'opère un glissement. Les surfaces agricoles ne sont plus majoritaires et la place laissée à l'herbe devient prépondérante.

1950-1983 : mouvement d'enfrichement

Entre 1950 et 1983, les activités agricoles disparaissent au profit du pastoralisme et des superficies en herbe. Le fond de vallée se maintient dans ses structures, c'est-à-dire qu'il n'enregistre pas de transformations majeures hormis le passage d'une activité à l'autre. Le versant lui, révèle des dynamiques d'enfrichement, particulièrement dans les talwegs, mais aussi, à un stade moins avancé sur d'anciennes terrasses de cultures à la marge du terroir, en sommet de pente, sur des zones mal exposées... Une végétation arbustive et arborée couvre une bonne partie du versant. Les surfaces enherbées ne sont apparemment plus fauchées et ne sont plus utilisées qu'en pâtures.

En parallèle à ce mouvement de déprise, on peut noter une extension de l'habitat sous forme de quelques maisons isolées à l'écart du village dense et étiré le long de la route. Elles s'implantent dans les prairies entre la rivière et le village.

1983-2008 : mouvement d'enforestation

Le mouvement d'enfrichement amorcé précédemment prend de l'ampleur et gagne la totalité du versant, voire la lisière du fond de vallée. La forêt couvre aujourd'hui les deux versants de part et d'autre de Siguer vers Gestiès et Lercoul, recouvrant vestiges de terrasses et noyant les restes de vergers sous les frondaisons forestières...Les arbres isolés et les bosquets prennent beaucoup d'ampleur dans le fond de vallée. Un nouveau type de végétation apparaît, des conifères d'ornement, qui ponctuent les alentours du village en de différents points, associés aux nouvelles constructions qui continuent de gagner sur les prairies. Cette extension de l'habitat individuel donne lieu à un nouveau quartier à proximité de l'église, mais s'étend dorénavant aussi en rive gauche. Des équipements sportifs complètent cette extension du village.

 

1888 - RTM
1983 - J.P. Métailié

 

2008 - J.Carré
La vallée de Suc-et-Sentenac : d'un paysage de prairies herbagères à un paysage de friches et de forêts
Vers 1908- Labouche
1989 - J.P. Métailié
2006 - J. Carré

 

Suc-et-Sentenac est une commune de soulane qui présente deux noyaux villageois séparés par un large talweg dans lequel coule le ruisseau de Sentenac.

1908-1950 : déclin du système agro-pastoral

Vers 1908, le paysage aux alentours des villages est encore voué aux pratiques agro­ pastorales. Le terroir est relativement déboisé, hormis quelques petites zones embroussaillées sur les pentes fortes. Autour de Suc se dressent de nombreux arbres émondés, à la silhouette longiligne, le plus souvent des frênes, parfois quelques peupliers. Les parcelles qui ourlent le village entremêlent des terres cultivées et une forte proportion de prairies. Tout le terroir qui s'échelonne au-dessus du village de Suc est cependant modelé de terrasses et propice à recevoir des cultures. Le cadastre napoléonien de 1834 montre que tout le versant de Suc jusqu'aux environs 1400m d'altitude était labouré et cultivé. Le pourtour des deux villages présentait une auréole de jardins et était au-delà entouré de terre labourées, soutenues de terrasses, dès que les pentes le nécessitaient. La portion de versant entre le village de Suc et le fond de vallée était intégralement cultivée. Des prés de fauche s'établissaient dans le talweg du ruisseau de Sentenac. Entre 1834 et 1908, il apparaît que l'agriculture ait nettement régressé dans ces villages : de vastes superficies de prés ont succédé au terroir cultivé et cela dans la proximité même du village.

Jusqu'aux années 1950, ces paysages se transforment lentement : peu à peu les parcelles cultivées disparaissent au profit de l'herbe. Le manque de main d'œuvre et l'exode succédant à des périodes de surpopulation, conjuguées à des bouleversements des pratiques agricoles conduisent à l'abandon de la culture des terres ; les parcelles cultivées sont remplacées par des prairies de fauche, ou parfois deviennent des friches. Vers 1942, la portion de versant entre le village de Suc et le fond de vallée présente une mosaïque de terres cultivées et de surfaces en herbe ; alors que tout le talweg et le versant de Sentenac se parent de prairies parfois bocagères. La couronne proche du village se maintient, même si des signes avant-coureurs de déprise se laissent entrevoir : fin des pratiques d'émondage des haies et des arbres qui retrouvent un port plus étoffé par exemple... Les terres à la marge du terroir villageois sont les premières abandonnées : en 1950, le pourtour du village ne porte pas encore les stigmates de la forte déprise qui est en train de se jouer.

Les prairies y sont toujours entretenues, alors qu'ailleurs sur les marges, la déprise est engagée et notamment sur les secteurs les plus pentus telles les terrasses du pied de versant en ombrée qui sont déjà en 1954 en cours d'enfrichement

Entre 1901 et 1954, la superficie de prés, rouage essentiel du système, ainsi que le cheptel ovin ont été divisés par quatre. L'élevage et l'économie herbagère, piliers de cette vallée semblent bien mal en point dès la moitié du siècle.

1950-1989 : enforestation

C'est entre les années 1950 et 1989 que l'enfrichement s'amorce et prend rapidement de l'ampleur à proximité même du village. Dans les années 1970, l'agriculture disparaît totalement, et le pastoralisme est en forte régression. Les superficies de prairies ne cessent de se restreindre... L'enfrichement amorcé en 1950 se poursuit, et les clichés des années 1989 et 1996 montrent des villages enserrés dans des boisements. Les prés et les pacages en contrebas du village de Suc ont été gagnés par la friche où se mêlent fougères et ligneux.

Le terroir de terrasses en amont du village de Suc a lui aussi été gagné par une végétation ligneuse : noisetiers, frênes, et merisiers foisonnent sur ce versant.

1989-2008 : poursuite de l'enforestation

De 1989 jusqu'à aujourd'hui, le paysage ne présente pas de transformations nouvelles. Il s'agit de la poursuite des dynamiques engagées : l'espace autour des villages continue de se refermer, gagné par la végétation. Même les parcelles de proximité ne sont plus exploitées. Elles sont parfois encore fauchées mais parfois la végétation d'enfrichement et les jeunes bois arrivent aux portes du village. Un pastoralisme extensif maintient encore quelques prairies d'intersaisons en amont de Suc sur un replat, où quelques granges sont encore exploitées.