Les cartes postales anciennes sur le Vicdessos - Franck Vidal

 

Nous avons à ce jour récupéré (soit en format papier et numérisé, soit directement en numérique) les cartes postales des collections de Jean-Paul Métailié, de Gilles Denjean, de Catherine Jacquart-Maissant et de Florence Guillot (soit plus de 500 fichiers). Un très grand merci à eux. Nous espérons pouvoir compléter le fonds avec d’autres collections dans le courant du printemps 2010, mais, d’ores et déjà, uniquement en cartes postales, nous avons pu récupérer 377 images différentes qui non seulement constituent un excellent fonds pour la comparaison avec des images actuelles, mais également nous fournissent de précieux renseignements sur les conditions d’édition photographique au début du XXè siècle dans le Vicdessos…

Près de 380 cartes postales sur la vallée du Vicdessos, dont la plupart ont été éditées entre 1890 et 1920, c’est assez révélateur de l’attrait de la vallée à la fin du XIXè et au début du XXè siècle !
En effet, si les premières photos des Pyrénées remontent à 1850 (Paul Jeuffrain à Cauterets), ce n’est qu’en 1873 que la carte postale apparaît et les premières vues des Pyrénées après 1880, notamment en raison des progrès techniques avec les plaques au gélatino-bromure d’argent. En 1889, une carte postale de la tour Effel est vendue à plus de 300 000 exemplaires lors de l’exposition universelle !
En 1904, on officialise le découpage du recto des cartes en deux parties : à gauche la correspondance ; à droite l’adresse, ce qui laisse l’ensemble du verso libre pour l’image.

Carte postale antérieure à 1904 où la correspondance se faisait sur la même face que l’image imprimée (ici le grand lac de Bassiès)

Concrètement (et en l’absence de dates précises sur le fonds) on peut dater les cartes du Vicdessos, pour la grande majorité entre 1905 et 1920 (une trentaine de cartes datant a priori des années 1960/1970)

 

ANALYSE GEOGRAPHIQUE

Sur les différents secteurs géographiques (communes et secteurs communaux) dans la vallée que nous avons prédéfinis, nous obtenons la ventilation suivante :

 

 ARCHIVES (non localisables à la commune

30

8%

 Auzat (village, usines, vues générales)

102

27,1%

 Bassiès (sur commune d’Auzat)

18

4,8%

 Gesties

4

1,1%

 Goulier

20

5,3%

 Illier-et-Laramade

5

1,3%

 Izourt (sur commune d’Auzat)

19

5,0%

 Lapège

1

0,3%

 Marc (sur commune d’Auzat)

31

8,2%

 Olbier (sur commune d’Auzat)

8

2,1%

 Orus

3

0,8%

 Saleix (sur commune d’Auzat)

9

2,4%

 Sem

16

4,2%

 Siguer

30

8,0%

 Soulcem (sur commune d’Auzat)

6

1,6%

 Suc-et-Sentenac

18

4,8%

 Vicdesssos

57

15,1%

 

Très logiquement c’est donc la commune et le village d’Auzat qui arrivent en tête des sites photographiés pour des raisons liées à la position géographique et à la taille de la commune (et aux facilités de prise de vue) mais également à l’activité industrielle. Le village d’Auzat concentre 27% des prises de vue (102 cartes), l’ensemble de la commune d’Auzat près de 50% (193 cartes postales). Il est plus étonnant de trouver 30 clichés différents sur Siguer ou 31 sur le seul secteur de Marc. Deux raisons essentielles peuvent expliquer cette « popularité » : la possibilité de disposer de différents points de vue facilement accessibles pour des prises de vue générale d’une part, et d’autre part la concentration d’objets paysagers « typiques » dans un même cliché : habitat (église), flanc de montagne, forêt… enfin, tout ce qui dans l’imaginaire populaire symbolise au mieux un paysage de montagne. Ainsi, aujourd’hui encore, il n’est pas imaginable d’envoyer une carte postale de Polynésie qui ne comporterait pas des cocotiers, du sable blanc et de l’eau bleue ! Or, l’Ariège en général et le Vicdessos en particulier véhiculent parfaitement dans leurs paysages cette « image populaire » que l’on pouvait (et que l’on peut encore !) avoir de la montagne et de ses paysages. Ce qui est plus intéressant dans le cas du Vicdessos (et on le verra à l’analyse thématique), c’est la présence de l’industrie, qui, d’une certaine manière, apparaît aussi comme un paysage typique de la montagne et, à ce titre, mérite son lot de cartes postales !

Angles de prises de vue : Le cas de Vicdessos
Comment les photographes (de carte postales) choisissaient-ils leur point de vue ? Très globalement, et très logiquement aussi, puisque nous sommes dans une vallée encaissée, le premier « réflexe » des photographes a consisté à chercher un point élevé et dégagé permettant d’englober le plus possible une vue longitudinale de la vallée du Vicdessos. Mais pas toujours. A l’aide de Google Earth, nous avons cherché à retrouver les différentes positions de prise de vue pour quelques clichés de la vallée. Par exemple, voici deux images prises pratiquement du même endroit, mais dont le « regard » est différent :

Carte postale Labouche  VIC-DESSOS – Vue générale

Vue vers le sud-ouest

Carte postale CIM Non légendée

Vue vers le nord-ouest

L’une (Labouche) est prise au ras du sol et semble plus témoigner du parcellaire agricole, la montagne n’étant ici qu’un arrière-plan. L’autre (CIM) prise depuis le versant sud intègre le village au sein du système montagneux. C’est le même village de Vicdessos, dans un cas on le croit en entrée de vallée, dans l’autre sur les flancs montagneux !
Ce qui est très intéressant de noter, c’est que dans les 27 cartes postales proposant une vue générale sur la vallée depuis le village de Vicdessos, aucune ne prend comme point de vue l’aval de la vallée. Le regard ne se tourne pas vers l’est. Et c’est le cas aussi pour presque toutes les images sur Auzat : quand on photographie le Vicdessos (et ce depuis les débuts de la carte postale) c’est toujours de l’aval vers l’amont. Quand on veut montrer le Vicdessos, on montre le haut-Vicdessos !

 

ANALYSE THEMATIQUE

Nous avons fait un rapide classement des cartes selon le thème ou l’objet afin de déterminer (en partie), à travers ce qui était photographié, les centres d’intérêts de l’époque.

LES PAYSAGES
(Vues générales…) 158 cartes (42%)

LES GENS
(images centrées sur des personnes, des métiers)23 cartes (6%)

LES FAITS
(aménagement, constructions, catastrophe…) 10 cartes (2.7%)

LE BATI 
(mobilier, architecture, intérieur de village…) 65 cartes (17%)

L’INDUSTRIE
(hydroélectrique, mines, carrière, aluminium…) 44 cartes (12%)

SITES REMARQUABLES
(cascade, pont, lac, glacier…) 72 cartes (19%)

Les cartes « urbaines » (c’est-à-dire montrant des rues, des places…) sont plus nombreuses sur Vicdessos (19) que sur Auzat (17). Siguer est également montré « intra-muros » (9 cartes). Par contre pas d’image des rues d’Olbier, de Lapège, d’Orus ou de Goulier.

 

LES EDITEURS

En ne s’appuyant que sur la partie recto (photo) des images, nous avons pu identifier 287 annotations d’éditions nous renseignant sur 18 éditeurs différents.

EDITEUR

Nombre

%

Notes

APA

24

8,4

 

AS

6

2,1

 

Bardier

1

0,3

 

Bourg

6

2,1

Nancy

C. Blanc

10

3,5

Tarascon

Cely

5

1,7

 

CIM

42

14,6

Combier - Macon

Dauphin

3

1,0

Apparaissant sous "F.Dauphin (Foix)" ou "Dauphin-Dessort (Tarascon)

Delpy

14

4,9

Trouvé également associé à ERA, Ed. Delpy-Salies

Edition Réservée

5

1,7

 

ERA

14

4,9

Apparaissant sous "Rouzaud" ou "Maury" ou "Auger"

Fauré et Fils

17

5,9

St Girons - Parfois publié par Dandidne (Editeur à Auzat) ou Jules Caralp (Editeur à Siguer)

GEM

1

0,3

 

IRIS

3

1,0

 

Labouche

123

42,9

 

Lapie

6

2,1

Spécialisée dans les photos aériennes

Larrey

6

2,1

 

SAILOR

1

0,3

 

 

287

100,0

 

Si certains éditeurs sont très connus, comme Labouche (qui représente plus de 40% des cartes de la collection) ou CIM (42 cartes), d’autres n’apparaissent qu’une fois (« GEM », « SAILOR », « Bardier »). Outre le fait qu’un même cliché peut être retrouvé chez différents éditeurs, il semble que des « échanges » soient intervenus entre photographes et éditeurs ou même entre éditeurs entre eux, portant une double annotation.

Ainsi, une carte postale de la place de la fontaine à Suc porte non seulement le sigle ERA, mais également la mention « Ed. Delpy-Salies » (c’est également le cas pour une des vues générales de Vicdessos).

Il faut savoir que devant le très grand succès de la carte postale entre 1900 et 1920, de nombreux « éditeurs » n’étaient en fait que de simples commerçants (buralistes) ou photographes locaux faisant imprimer leurs clichés par de grosses sociétés (Labouche, CIM…) et rajouter leur estampille comme « Fauré et Fils » (à St Girons) ou « C. Blanc » (à Tarascon). Sur son site, Wikipédia récence 866 éditeurs de cartes postales en France !

Il est également assez intéressant d’observer l’évolution des « logos », comme ici chez CIM :

Ce qui est également passionnant, c’est l’origine géographique des éditeurs : Si Labouche (Toulouse), Blanc (Tarascon), Dauphin (Foix) ou encore Fauré (St Girons) s’intéressent tout « naturellement » à l’édition de cartes du Vicdessos, il est plus étonnant de trouver des images de la vallée chez CIM (à Mâcon), chez Bourg (à Nancy) ou chez Lapie (Val de Marne). La présence de cartes postales du Vicdessos chez ces éditeurs témoigne une fois encore de l’attractivité « touristique » de la vallée à la fin du XIXè et au début du XXè

Les doublons d’éditions
Il est possible aussi de trouver le même cliché (exactement le même et non le même point de vue) chez différents éditeurs de carte postale. Ainsi, la même image de l’entrée d’Auzat (avec le château de Montréal en arrière plan) est présente aux éditions Labouche et aux éditions Dauphin, mais avec une légende légèrement différente. Est-ce un photographe de chez Labouche qui aurait cédé les droits aux éditions Dauphin ? Est-ce Dauphin qui aurait été racheté par Labouche ? Il est pratiquement impossible de connaître l’origine de la « transaction » sans la localisation du cliché originel…

Aux éditions Dauphin (Tarascon)
Légende : Auzat (Ariège) – Entrée du village

Aux éditions Labouche (Toulouse)
Légende : Auzat – Le village et les ruines du château de Montréal

On trouve également le même cliché, chez le même éditeur (en l’occurrence ici Labouche) mais colorisé ou remis en page, probablement lors d’une réédition comme dans la vue de Vicdessos :

C’est également le cas sur ces cartes de Siguer toutes deux de Labouche, mais avec une citation de Gustave de Lamourous dans un cas (c’est d’ailleurs la seule carte postale du fonds récupéré sur la vallée où est imprimée une citation):

Autre possibilité, le recadrage simplement en réalisant un zoom sur une partie de l’image. Aisni, Labouche propose 2 vues de Sem, l’une légendée « Sem, près Vicdessos – Vue générale et la vallée », l’autre « Sem, près Vicdessos – Vue générale ». Or, la deuxième carte est purement et simplement un recadrage de la première.

 

LA MISE EN SCENE

Parfois les éditeurs (manquant cruellement d’imagination !) reprennent le même point de vue, mais vont jouer sur la mise en scène et sur les éléments insérés dans l’image. Ainsi, sur cette série, la vue sur Laramade est toujours la même (la position du photographe n’a pratiquement pas changée), mais, alors que chez C.Blanc (Editeur de Tarascon) la carte postale ne présente que le village (1), chez Labouche, 3 fois le même point de vue, mais dans un cas avec une calèche (2), dans un autre avec le train (3) et enfin avec la charrette de charbon de bois (4) (avec changement d’orthographe pour Vicdessos / Vic Dessos et pour Laramade / La Ramade!)

Nous retrouvons le même principe : même prise de vue, mais « acteurs » différents également sur la cascade de Capounta : un attelage, un échafaudage (peut-être témoignant de la construction ou de la rénovation du pont ?), un couple (avec une mise en couleur et un angle très légèrement différent induisant sans conteste un effet « romantique »)

La mise en scène, pour peu que l’on y prête attention, peut être très élaborée (on retrouvera ces mises en scène chez Eugène Trutat ou même bien plus tard chez Doisneau par exemple). Ainsi, cette carte magnifique de « La place de Sauzeil à Vicdessos » de chez Labouche nous livre de précieuses informations sur la vie quotidienne (et qui n’ont pas été photographiées par hasard !)

1 : Il y a, en ce début de XXè siècle (ou en toute fin du XIXè), un hôtel à Vicdessos, ce qui signifie qu’il y a du « passage » dans la vallée. Tourisme, clientèle d’affaire, toujours est-il qu’on descend au « grand hôtel de la Renaissance » à Vicdessos !


2 : Ce n’est pas seulement un hôtel, on peut aussi s’y restaurer. Mais on peut objectivement se demander pourquoi ce qui appartient visiblement au même établissement s’appelle d’un côté « Buvette » et de l’autre « Café » ? Est-ce parce l’entrée (et la sortie) sont différentes selon le degré d’alcool des boissons servies ?


3 : Une femme à sa fenêtre, vêtue de blanc. Est-ce la « Marie » qui vient refaire la chambre ?

4 : Regroupé devant le café, des femmes, des enfants, un vieillard. Les hommes ne sont pas là, ils sont au travail ailleurs et l’hôtel est tenu par des femmes…

5 : La charrette de livraison attend devant la buvette, mais c’est un matelas qu’elle transporte …

6 : L’enfant part à l’école
Nous sommes un matin de printemps vers 1900, les hommes sont partis aux champs depuis l’aube, les enfants se hâtent vers l’école, les femmes retapent les chambres de l’hôtel et attendent les clients. La vie reprend dans cette vallée de l’Ariège… Ce n’est plus une photo, c’est une histoire…

 

A contrario, on retrouve pratiquement la même image du « grand hôtel de la Renaissance » à Vicdessos, toujours chez Labouche, mais cette fois sans pratiquement aucun « effort » de mise en scène

Quelquefois, la mise en scène est empreinte, voir « pompeuse » comme ici, en faisant poser le paysan et sa compagne, fiers,  le regard lointain, tourné vers la montagne !

Enfin, on se demande parfois si la mise en scène n’est pas quelque peu « factice » ! Aller monter une barque à 1600 m d’altitude pour faire croire qu’on peut « canoter » sur l’étang Majeur de Bassiès, c’est sans doute un peu exagéré !

Cela dit, si, d’ici une centaine d’année quelqu’un s’intéresse au cliché suivant, peut-être sera-t-il, lui aussi en proie aux doutes sur l’utilité d’une telle mise en scène !!


Cliché : Sylvie BARON – Laboratoire TRACE
Campagne de sondages dans l’étang majeur de Bassiès – été 2010

 

QUELQUES INTERPRETATIONS

« Mineurs du Rancié »
Certaines cartes (mais également leur légende) sont assez surprenantes, comme cette image d’enfants légendée « jeunes mineurs et futurs mineurs du Rancié » (Bourg Ed. – Imprimeurs réunis Nancy) ! En dehors de l’aspect quelque peu cynique tel qu’il peut apparaître aujourd’hui, cette carte postale appelle un certain nombre de questionnements sur les conditions de vie dans la vallée (mais pas seulement) en ce début du XXè siècle (date probable du cliché) mais également sur le contexte général de « l’image » du Vicdessos

Tout d’abord, le simple fait d’éditer une carte postale représentant des « travailleurs » ou des « enfants de travailleurs » est un acte totalement aberrant de nos jours. Qui enverrait une carte postale (en admettant qu’il en trouve une !!) représentant des enfants travaillant dans une usine de chaussures ou de textile pour illustrer ses vacances en Chine !!! On peut donc penser qu’au début du XXè siècle, le travail de la mine apparaissait aux « étrangers » à la vallée comme une activité « exotique » susceptible d’étonner, voir de « dépayser » (a noter que l’éditeur Bourg semble être à Nancy).
C’est aussi tout le contexte de l’édition et de la distribution de cartes postales qui était différent d’aujourd’hui. Dans les premiers temps de son développement, cette activité n’était pas axée quasi essentiellement sur le support photographique pour une correspondance de vacances, de voyage ou de loisir comme aujourd’hui, mais bien comme un substitut à la photographie personnelle : peu de gens possédaient et utilisaient des appareils photos, les cartes postales permettaient de conserver un témoignage visuel de son passage. Dès lors, on comprend mieux l’intérêt d’un tel cliché : ce n’est pas une image que l’on envoie pour « illustrer » ses vacances ou ses voyages, mais bien une photographie pour un usage de collection personnelle.

L’autre réflexion que l’on peut faire à la vue de cette carte concerne les conditions de vie et de travail de la vallée à l’époque (si l’on s’en tient à la légende, ce qui est très discutable) : Très tôt les enfants étaient mis au travail et dans des travaux aussi pénibles que la mine. Les quatre garçons au dernier rang semblent avoir autour de 15 ans. « Futur mineur » sous-entend qu’ils n’avaient d’autre avenir (pour les 9 petits garçons). Mais là où la légende est fausse, c’est que l’image présente 7  fillettes et que les filles n’allaient pas à la mine !
Cette carte postale témoigne donc également un phénomène inhérent à toute l’histoire de l’image : ce qui est représenté et l’interprétation qu’on en fait…

Nous avons retrouvé deux  autres cartes postales représentant des « mineurs du Rancié », ici encore non pas « au travail », mais posant en famille :

« Ciment Hennebique »
Sur la carte postale ci dessous, c’est plus la légende qui est intéressante : « Auzat- Le pont du Tramway sur le Vicdenos (en ciment armé Hennebique) »

Première remarque qui saute aux yeux, la faute de frappe évidente sur Vicdessos : le double S est devenu un N (ce n’est pas un changement orthographique comme on le voit dans certaines cartes où Vicdessos apparaît par exemple en deux mots, mais bien une erreur de frappe ou d’impression).
L’autre réflexion que l’on peut avoir à la lecture de cette légende concerne le mot « tramway » utilisé ici. Aujourd’hui, nous serions tentés de parler de « train », au vu de la locomotive de l’image et surtout du lieu de prise de vue. En effet, on réserve le mot tramway aux liaisons urbaines et interurbaines (bien que le terme ne désigne littéralement que « une voie (way) à rail plat (tram) ». Deux hypothèses dès lors : A cette époque (le terme date de la première moitié du XIXè siècle) le terme de tramway était couramment utilisé pour tout transport ferroviaire ou, tout simplement, ce train reliant les villages de la vallée, Auzat, Vicdessos, Laramade, Niaux, Tarascon…  est bien en quelque sorte un transport interurbain et donc un tramway !

On retrouve d’ailleurs une image de ce tramway à Laramade (mais cette fois-ci bien désigné sous le terme de train :

Plus intéressant encore, par rapport au contexte de l’époque est l’annotation entre parenthèse. Les auteurs spécifient bien que le pont est en ciment armé hennebique.
François Hennebique est tout simplement l’inventeur du béton armé dont le premier immeuble verra le jour en 1892 et le premier pont en 1899. On peut donc penser qu’au moment de l’édition de la carte l’invention était encore naissante (et son inventeur célèbre) au point que la prouesse technologique soit spécifiée dans la légende. De plus (et cette approche trouvera son paroxysme dans les grandes expositions universelles du début du XXè siècle) nombres de cartes postales, de photographies et d’images de cette époque vantent à foison les bienfaits des progrès technologiques et industriels. Le Vicdessos n’échappe pas à cette « mode », notamment à travers l’industrie hydroélectrique. En voici quelques exemples (qu’il serait inimaginable de retrouver de nos jours !) :

Auzat - Travaux du tramway de Tarascon
Auzat – Construction des usines
Environs d’Auzat et de Vicdessos – Le percement du tunnel pour le captage des eaux de l’étang Fourcat
Environs de Vicdessos – Pradières – Les chantiers de l’usine électrique

Au total, plus de 10% des cartes postales que nous avons récupéré sur le Vicdessos concernent l’industrie.

« Entreprise Thevenot »
Autre image presque comique au regard de la légende, la carte Delpy annotée « Cavalerie d’Entreprise Thevenot »  à Auzat et représentant un groupe d’hommes accompagnés de leurs mules ! Ce qui est annoncé comme une cavalerie est plutôt probablement une entreprise de transport de marchandises à dos de mules. Plus énigmatiques sont les coffrages métalliques du premier plan…

Mais nous retrouvons l’Entreprise Thevenot sur une autre carte postale de chez Delpy légendée : « Toutous – Chantiers de fabrication des tuyaux ». Il faut s’attarder sur les dits tuyaux pour y voir littéralement taggé le nom de l’entreprise.

Toutous ou les Toutous est un lieu-dit sur les hauteurs de Marc en amont d’Auzat sur l’Artigue. Au dessus de Toutous, un captage a été réalisé. On peut donc imaginer que les mules étaient utilisées pour les « navettes » Toutous / Auzat et les coffrages pourraient donc très bien être des moules pour les tuyaux en béton…

A noter aussi ce qui est particulièrement amusant sur cette carte : la jeune femme sur la gauche, en robe longue, posant « tout naturellement » avec son chien, au milieu des tuyaux en béton du chantier !

Certaines légendes (pourtant vraies) peuvent également apparaitre assez surprenantes au regard de leur illustration. En voici quelques exemples (parfois involontairement comiques ou totalement incompréhensibles !)

Légende :

SIGUER – Avenue du Faubourg Lachapelle

Légende :
VIC-DESSOS – Suite de la promenade

(en fait une allusion à une autre carte postale légendée : VIC-DESSOS – Promenade du gravier, celle-ci venant « logiquement » après)

Légende :

Le rocher d’Olbié – Les mineurs au soleil sous les ruines du Château

Légende :

MARC – Bureaux et église

Légende :

AUZAT – Chambre d’eaux de Bassiais